KALMOUKS

KALMOUKS
KALMOUKS

La vaste migration, qu’accomplit au début du XVIIe siècle une branche des Mongols occidentaux, des bouddistes lamaïstes, depuis le nord de l’actuel Turkestan chinois (le Nord-Xinjiang), jusqu’aux steppes alors limitrophes de l’Empire russe entre Caspienne et mer Noire, et l’exode entrepris en sens inverse, un siècle et demi plus tard, constituent les derniers des grands mouvements d’invasions «barbares» issus de la Haute Asie. Il en est résulté l’avancée la plus occidentale des Mongols à l’époque post-gengiskhanide, leur premier et unique peuplement en Europe. L’aventure est, pour l’historien, passionnante à suivre.

Le kh size=5nat des Kalmouks de la Volga

C’est une partie de la tribu des Oirat ou Mongols occidentaux, dénommée Torg t, qui vers 1616 quitte le Tarbagatai – entre lac Manas, lac Zaisan, Irtyš noir. Sous la direction de son chef Kh 拏-Örlög, elle se dirige vers l’ouest, à la recherche des pâturages libres qui lui font défaut au cœur de la Haute Asie. Elle se fraie un chemin au prix de difficultés inouïes, parmi des tribus turques vindicatives, pour atteindre les steppes de la basse Volga vers 1632. Les Russes l’acceptent sous le nom de kh nat kalmouk (Xal’mg), comme État tampon entre leur frontière méridionale et les hordes turbulentes des Turcs musulmans.

Durant plus d’un siècle, le kh nat de la Volga est fortifié par des arrivées périodiques de Mongols occidentaux – Khoš t, Dörbet, Khoït – qui fuient les troubles de la Haute Asie, mais n’ont rien perdu de leur agressivité. Dans les meilleures traditions des steppes, les escarmouches sanglantes avec les voisins nomades, Tatar et Kirghiz-Qazaq, sont entrecoupées d’échanges commerciaux, de même qu’avec les Russes les serments d’allégeance au tsar sans cesse renouvelés et les contacts commerciaux saisonniers alternent avec des raids de pillage.

Le contemporain de Pierre le Grand, Ayuqa (ou Ayuki), souverain du royaume kalmouk durant cinquante-deux ans, de 1672 à 1724, se fait décerner le titre de kh n, réservé auparavant aux seuls Gengiskhanides, par l’autorité spirituelle suprême, le dalai-lama. Les Qing lui confirment cette qualité par une ambassade restée célèbre: celle dirigée par le Mandchou Tulišen (en 1712-1715), dont le journal de route, le Yiyulu ou Récits sur les pays étrangers , traduit en français dès 1726 et en russe dès 1764, a beaucoup contribué à faire connaître l’Asie à l’Europe de cette époque.

L’exode

Sans doute cette mission de Tulišen avait-elle contribué à réveiller la nostalgie de la terre ancestrale; car, de ce moment, les Kalmouks supportent de moins en moins bien les intrusions des Russes dans le gouvernement du kh nat et redoutent de plus en plus une sédentarisation obligatoire. Finalement, en janvier 1771, le kh n Ubaši, petit-fils d’Ayuqa, décide, sous la pression de ses conseillers, la rupture des relations avec la Russie et le retour en Djoungarie (le futur Xinjiang septentrional). Quelque 170 000 Kalmouks, à ce que l’on dit, reprennent en sens inverse la route parcourue par leurs ancêtres un siècle et demi auparavant. Cependant, le harcèlement des Kirghiz-Qazaq est plus dur encore, la traversée des déserts, où les malheureux s’enfoncent pour échapper à leurs ennemis, plus pénible. La moitié à peine des fuyards réussit à atteindre les frontières de l’Empire chinois. Au départ, il n’était certainement pas dans leur intention de venir se livrer aux Qing. Mais, à l’arrivée, ils virent qu’ils n’avaient pas d’autre solution. Pour Qianlong, leur soumission ajoutait un prestige considérable à la conquête de la Djoungarie, qu’il avait consommée quinze ans plus tôt, et le consacrait chef temporel des lamaïstes. Pourtant, même affaiblis comme ils l’étaient, il se méfiait d’eux. Aussi les dispersa-t-il dans les marches de son Empire: un groupe seulement retourna dans la vallée de l’Ili [cf. XINJIANG], où il retrouva les survivants des massacres de 1757; d’autres, au contraire, furent envoyés dans l’Est. Certains aussi rejoignirent, dans l’extrême ouest de la Mongolie Extérieure (dans la région de Khovdo), leurs compatriotes réfugiés là depuis la chute de l’empire face="EU Caron" グü–ngar.

Les Kalmouks dans l’Empire russe

Des Kalmouks étaient restés en Russie, retenus sur la rive droite par une débâcle de la Volga. Certains – des Torg t en majorité – participent à la révolte de Puga face="EU Caron" カëv en 1773. La Grande Catherine, en châtiment, retire aux Torg t le gouvernement des Kalmouks, qu’ils avaient conservé depuis l’arrivée en Russie. Le titre de kh n ayant disparu en même temps que son titulaire Ubaši, il ne restait qu’un poste de vice-kh n: il est remis aux Dörbet.

Désormais, les Kalmouks sont matés et leur organisation politico-administrative est de plus en plus calquée sur celle de l’Empire russe: les nobles kalmouks, ou noyon , sont assimilés à des propriétaires terriens et leurs sujets à des serfs. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, une évolution décisive les conduit à la sédentarisation et aux activités agricoles. Plusieurs groupes sont intégrés dans les colonies cosaques et fortement russifiés, hormis les moines lamaïstes: des Dörbet, installés depuis 1710 dans la région du Don sous le nom de Buz va, connaissent ainsi une évolution divergente de celle de leurs compatriotes de la Volga. À la fin du XIXe siècle, on recensait plus de 190 000 Kalmouks dans l’Empire russe, dans les régions d’Astrakhan, du Don, de Stavropol, de Tomsk et de l’Oural principalement.

La République socialiste soviétique autonome des Kalmouks

L’avènement du régime communiste va infliger de nouvelles épreuves à ceux des Kalmouks (les Buz va surtout) qui avaient lié leur destin à l’armée Wrangel. L’exil les mène successivement à Istanbul, puis en Bulgarie ou en Tchécoslovaquie, enfin, pour beaucoup d’entre eux, en France où une colonie buz va assez importante se fixe à partir de 1924, perpétuant depuis lors un culte lamaïque encore vivace et des bribes de coutumes et de folklore ancestraux.

Cependant, en U.R.S.S., les Kalmouks ralliés au régime sont autorisés, en 1920, à constituer sur la rive droite de la Volga un Territoire autonome, lequel est promu en 1935 au rang de République socialiste soviétique autonome, avec une population de 185 000 habitants (dont 75 p. 100 de Kalmouks) et, pour capitale, la nouvelle ville d’Elista (El’st, en kalmouk), fondée en pleine steppe en 1928. La collectivisation et la laïcisation semblent assez mal supportées, de sorte qu’en 1943, après le siège de Stalingrad, plusieurs centaines de familles se joignent, plus ou moins volontairement, à la retraite des armées allemandes. En représailles, les Kalmouks restés sur place sont tous déchus de leur citoyenneté et déportés en Sibérie. C’est en 1957 seulement que le Territoire autonome des Kalmouks est recréé, sur la rive droite de la Volga. Il est proclamé, le 26 juillet 1958, République autonome, avec encore une population de 185 000 habitants (dont 65 000 des 100 000 Kalmouks de l’U.R.S.S.), sur une superficie de 75 900 kilomètres carrés. En 1989, la République comptait 322 600 habitants et les Kalmouks étaient au nombre de 174 500 individus dans la République (146 300) et en Sibérie.

Quant aux Kalmouks entraînés par les armées allemandes, ils se retrouvent, à la fin de la guerre, groupés dans des camps de personnes déplacées et doivent attendre 1951 pour que leur demande d’admission aux États-Unis soit acceptée. Ils sont maintenant concentrés surtout dans deux colonies prospères, au New Jersey et à Philadelphie; leur aisance et la solidité de leur culte lamaïque incitent nombre de leurs compatriotes de France et d’Europe occidentale à les rejoindre.

Au début des années 1990, après sept décennies de dures persécutions religieuses en République kalmouke (120 temples et monastères lamaïques ont été détruits aux alentours de 1930), le bouddhisme renaît vigoureusement depuis la réouverture d’un temple dans la capitale Elista en juin 1989 et, un an plus tard, le lancement de la construction d’un vaste complexe religieux.

Les Kalmouks ont hérité d’un brillant passé culturel, dont la littérature orale est le plus beau fleuron, comme il convient pour un peuple de traditions nomades: l’épopée de J face="EU Caron" オngar , qualifiée aujourd’hui de «monument de la littérature mondiale», a fait jadis leur célébrité dans les steppes, et la poésie est restée un art florissant dans la république kalmouke.

Kalmouks
groupe de peuples mongols qui vivent dans deux rép. de la Fédération de Russie: la rép. de l'Altaï (7 600 km²; 437 400 hab.) et dans la rép. des Kalmouks (76 100 km²; 328 600 hab.), ainsi qu'en Mongolie et en Chine (Xijiang).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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